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Allocution de Me Chakib CORTBAOUI
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30 December 2013

 

Cinquième session

de la Conférence des États parties

à la Convention des Nations Unies contre la Corruption

 

Allocution de Me Chakib CORTBAOUI

Ministre Libanais de la Justice

 

 Madame la Présidente,

Excellences, Mesdames et Messieurs,

 

C’est un honneur pour moi d’être parmi vous aujourd’hui, ici à Panama, à la tête de la délégation de la République Libanaise, pour participer à la 5ème Session de la Conférence des Etats parties à la Convention des Nations Unies contre la Corruption.

 

Il s’agit de ma première visite dans votre pays et ma première participation à une session de votre honorable Organisation. Permettez moi de remercier le Gouvernement de la République du Panama pour son exceptionnel accueil ainsi que les organisateurs pour leurs remarquables efforts de préparation et de bon déroulement de cette conférence.

 

Mesdames et Messieurs,

 

Le Liban est un petit pays, mais sa volonté de lutter contre la corruption est grande. La corruption est un fléau que doivent affronter de nombreux pays et la voie permettant de le combattre est jalonnée de défis ; Beaucoup d ‘entre vous connaissent notre pays et savent donc que son contexte et ses spécificités rendent la tâche encore plus complexe. Cependant, cela n’a pas freiné et ne freinera pas notre volonté de faire tout notre possible pour lutter contre la corruption et contribuer de manière efficace aux efforts régionaux et internationaux en ce domaine. Nous le faisons dans le cadre de notre engagement pour l’application de la Convention des Nations Unies contre la Corruption dont nous sommes Etat Partie depuis avril 2009.

 

Principales réalisations au Liban

Le Liban présente un système légal qui dérive principalement du système latin. Ses lois criminalisent la plupart des actes de corruption prévus par la Convention. Néanmoins la portée de ces lois nécessite, leur aménagement dans certains cas notamment pour ce qui est des affaires relevant du secteur privé et de l'enrichissement illicite. Nous avons également plusieurs institutions chargées du contrôle administratif et financier. Elles font l’objet d’une attention particulière pour consacrer leur indépendance et leur capacité à agir avec plus d’efficacité.

Je ne veux pas énumérer les lois et institutions dédiées à la lutte contre la corruption qui existent dans mon pays et certaines depuis plusieurs décennies - un rapport détaillé sur cet aspect est disponible sur notre site web et des copies sont également à votre disposition en ce lieu - mais je me focaliserai sur les principales réalisations qui ont été accomplies depuis la dernière session de votre Conférence à Marrakech en 2011.

 

    • Tout d’abord, nous avons activé un processus engageant plusieurs institutions et acteurs afin de rédiger de nouvelles lois relatives à la lutte contre la corruption et amender les lois existantes. Ces lois portent sur le droit à l’accès à l’information, la protection des informateurs «whistleblowers »  , l’enrichissement illicite, la mise en place d’une autorité compétente pour la lutte contre la corruption, les conflits d’intérêt et le renforcement du cadre institutionnel pour le contrôle administratif et financier.

 

    • Par ailleurs, et suite à la décision de notre Premier Ministre en décembre 2012, nous avons mis en place, au niveau gouvernemental, 2 comités chargés du dossier de la lutte contre la corruption :

 

      1. Un comité interministériel dirigé par le Premier Ministre et composé des Ministères des Finances, de l’Intérieur et des Municipalités, de la Justice et du Bureau du Ministre d'Etat pour la Réforme Administrative; et
      2.  

      3. Un comité technique chargé de soutenir et de préparer les travaux du comité interministériel précité et regroupant l’ensemble des entités gouvernementales impliquées. Ce comité est également ouvert aux consultations et à la coopération avec les organisations non-gouvernementales et le secteur privé.

 

Depuis lors, ces deux comités se sont attelés à la tâche et ont accompli des réalisations qui ont permis une réelle avancée de lutte nationale contre la corruption. A cet égard, on peut citer :

 

    1. La finalisation du rapport d’évaluation de l’application des chapitres III de la Convention (portant sur l’Incrimination, la détection et la répression) et le chapitre IV (portant sur la coopération internationale) et la poursuite du travail pour évaluer l’application des chapitres II (sur les mesures préventives) et V (sur le recouvrement d’avoirs) ;
    2.  

    3. L’élaboration de recommandations pour une stratégie nationale de lutte contre la corruption - la première en son genre au Liban ;
    4.  

    5. La mise en place d’une série d’actions concrètes par les Ministères faisant partie du comité de lutte contre la corruption, notamment:
        1. L’élaboration et la mise en œuvre par le Ministère de l’Intérieur et des Municipalités d’un code de conduite pour les membres des forces de sécurité ;
        2. La mise en place par le Bureau du Ministre d'Etat pour la Réforme Administrative d’actions pour promouvoir la mise en œuvre d’outils de contrôle électroniques de bonne gouvernance et le lancement d’initiatives sectorielles en coopération avec le Ministère des Finances pour la prévention de la corruption dans les douanes et les services du registre foncier ;
        3. Enfin, le Ministère de la Justice, dont j’ai l’honneur d’être responsable, en coopération avec les autorités judiciaires, a pris plusieurs mesures pour prévenir et lutter contre la corruption. On peut citer entres autres les mesures prises pour garantir la transparence dans le recrutement des notaires publics ou encore les mesures disciplinaires contre certains juges impliqués dans des actes de corruption. A cet égard, le nombre de magistrats déférés devant le conseil de discipline a quadruplé ces deux dernières années, et le nombre de magistrats exclus de la magistrature sur la même période , excède le nombre de magistrats exclus durant les vingt dernières années.
        4. Dernièrement et depuis deux semaines, un des hauts fonctionnaires a été arrêté pour blanchiment d’argent et abus de confiance quant aux deniers publics.

 

Le Liban et ACINET

En parallèle à ses efforts nationaux, le Liban est également fier de son rôle régional dans le monde arabe en ce qui concerne la lutte contre la corruption. Cette implication a connu un essor important depuis deux ans, notamment dans le cadre du Réseau Arabe pour l’Intégrité et la Lutte contre la Corruption (ACINET). Dans ce cadre, je souhaite souligner 2 points :

 

    1. Le Liban, représenté par le Ministre de la Justice, préside actuellement ACINET qui comprend 43 Ministères et agences de lutte contre la corruption de 16 pays arabes ainsi qu’un groupe non-gouvernemental composé de plus de 20 entités clés actives dans ce domaine. Je tiens d’ailleurs à saisir cette occasion pour saluer les membres d’ACINET ici présents.
    2.  

    3. Sous la présidence du Liban, le Réseau travaille sur plusieurs activités pour le renforcement des capacités et l’échange d’information pour la lutte contre la corruption. Ainsi, nous mettons en place 3 équipes régionales spécialisées pouvant servir comme unités de ressource dans les domaines de :

        • La rédaction législative relative à la prévention et la lutte contre la corruption
        • Les investigations financières ; et
        • Le renforcement de l’intégrité des hauts fonctionnaires.

Ces équipes fourniront un cadre durable pour développer les capacités requises des instances membres d’ACINET.

 

Mesdames, Messieurs,

Je souhaite mettre en exergue un autre exemple de l’engagement du Liban dans les efforts de lutte contre la corruption dans le cadre régional et international.

    • Le Liban facilite le processus de recouvrement d’avoirs issus de la corruption et se veut en ce domaine un modèle de coopération malgré la loi sur le secret bancaire qui est toujours en vigueur dans mon pays. En effet, le Liban a récemment restitué à la Tunisie 28 millions d’euros qui avaient été déposés dans des banques libanaises par des membres de la famille de l’ancien régime, et tout cela dans le respect de la loi Libanaise.

 

    • Ces efforts concrétisent la mobilisation initiée lors du « Forum Arabe sur le Recouvrement des Avoirs » et le Partenariat de Deauville entre les pays arabes et le G8.

 

    • Afin de consolider ces efforts, et sur base de nos premières expériences, j’ai également mis en place une équipe pour élaborer un guide de recouvrement des avoirs à l’instar d’autres pays dans le monde.

 

Mesdames, Messieurs,

Je saisis enfin l’occasion de notre réunion enfin pour souligner 3 points que le Liban considère comme prioritaires dans toute lutte contre la corruption :

 

    1. Mettre l’accent sur la mise en œuvre de facto et non pas uniquement de jure de la Convention, et cela en coopération avec l’ONUDC et d’autres organisations internationales et notamment le PNUD ; bien sûr les principes sont facile à énoncer, leur application est beaucoup plus difficile. Et je ne vous cache pas que nous en souffrons dans mon pays.
    2.  

    3. Renforcer le rôle de la société civile dans la lutte contre la corruption et maximiser sa contribution dans le cadre de la Convention y compris le mécanisme du suivi de son application; et
    4.  

    5. Consacrer, en parallèle aux efforts liés à la criminalisation de la corruption, davantage d’efforts pour la prévention de la corruption, thème pour lequel le Chapitre II de la Convention et la Déclaration de Marrakech issue de la 4ème Session de la Conférence des Etats Parties forment des piliers. Et cela, tout en œuvrant pour renforcer la coopération entre les différentes parties prenantes afin d’ancrer les valeurs propres à la diffusion d’une culture de l’intégrité dans nos sociétés.

 

 

Madame la Présidente,

Je voudrais remercier à nouveau la République du Panama et les organisateurs de cette Conférence ainsi que les différentes Organisations internationales et les amis et partenaires du Liban qui l’ont soutenu dans ses efforts de lutte contre la corruption au cours des 2 dernières années, et particulièrement le PNUD.

Je réitère enfin l’engagement du Liban à poursuivre les efforts de lutte contre la corruption pour atteindre de nouveaux résultats concrets et surtout ressentis par les citoyens. Car, au final, nous ne pourrons dire que nous avons réellement réussi que si ces efforts se reflètent positivement sur leur vie quotidienne .Les services publics gagneront en crédibilité et la justice sociale apparaîtra à chaque citoyen comme une réalité.

Je vous remercie à nouveau et vous souhaite une Conférence fructueuse.

Je vous remercie.

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